jeudi 4 mars 2010

Des patients meurent faute de soins adéquats aux urgences.

Publié le 27 février 2010

Crise dans les urgences: du jamais vu

D'autres urgentologues québécois sont venus joindre leur voix à celle de... (Photo: André Pichette, La Presse)
Photo: André Pichette, La Presse
Ariane Lacoursière
La Presse
D'autres urgentologues québécois sont venus joindre leur voix à celle de leurs collègues, hier, et ont confirmé que la crise qui touche les urgences des hôpitaux a atteint des proportions jamais vues. Selon l'urgentologue Alain Vadeboncoeur, l'heure est si grave que le ministre de la Santé, Yves Bolduc, doit au plus vite faire une tournée des urgences pour trouver des solutions.
«Le ministre avait fait une tournée semblable dans les blocs opératoires avec la Fédération des médecins spécialistes. Ça avait donné de bons résultats. On est rendu là dans les urgences», dit le Dr Vadeboncoeur, chef des urgences de l'Institut de cardiologie de Montréal.

Les urgences de la province ont connu leur lot de crises au cours des dernières années. «Mais ce qui est nouveau, c'est qu'on remarque plusieurs cas où les patients sont malades, où on doit les soigner, mais on ne peut pas leur donner de civière. C'est inquiétant», dit le Dr Vadeboncoeur.
À la Cité de la santé de Laval, le chef du service des urgences, le Dr Jacques Ouellet, confirme cette situation: «Dans les derniers mois, on a eu jusqu'à 16 patients qui attendaient sur la civière de l'ambulance parce qu'on n'avait pas de place pour eux aux urgences.»
Le Dr Vadeboncoeur croit que le gouvernement doit cesser de mettre en place des «solutions ponctuelles». «On sait comment régler le problème des urgences, soutient-il. Mais depuis 15 ans au moins, on n'applique que des solutions temporaires quand il y a des crises médiatiques. Ça libère les urgences pour un temps, mais ça ne règle rien sur le long terme.»
La Fédération des médecins omnipraticiens du Québec (FMOQ) croit pour sa part que, pour régler une fois pour toutes la crise des urgences, le gouvernement doit investir massivement dans les soins de première ligne. Seulement 2,9% du budget de la santé y est actuellement consacré, affirme la FMOQ.
«Depuis trop longtemps, nos élus se contentent d'appliquer des mesures temporaires, dénuées de vision à moyen et à long terme. Pourtant, la seule solution porteuse est connue: des investissements prioritaires dans les soins de première ligne à l'extérieur du milieu hospitalier», dit le président de la FMOQ, le Dr Louis Godin. Selon lui, les crises perpétuelles qui touchent les urgences du Québec «constituent un exemple éloquent de l'échec de la stratégie actuelle du gouvernement».


Publié le 26 février 2010

La situation se détériore aux urgences

La Presse a révélé hier que des patients... (Photo: Alain Roberge, Archives La Presse)
La Presse a révélé hier que des patients meurent actuellement faute de soins adéquats aux urgences.
Photo: Alain Roberge, Archives La Presse
Ariane Lacoursière
La Presse
Après le cri d'alarme lancé par les médecins urgentologues du Québec sur la détérioration des services aux urgences, plusieurs intervenants du monde médical ont à leur tour avoué leurs inquiétudes, hier, et ont dénoncé l'immobilisme du ministre de la Santé, Yves Bolduc.
«Quand M. Bolduc est arrivé en poste, il a dit qu'il allait régler le problème aux urgences. Depuis qu'il est là, la situation se détériore. Les gens ont besoin d'être rassurés et ont besoin de savoir que le ministre tente de corriger le problème», a déclaré le porte-parole de l'opposition officielle en matière de santé, Bernard Drainville.

La Presse a révélé hier que des patients meurent actuellement faute de soins adéquats aux urgences. «La situation se détériore. Le nombre de patients qui séjournent plus de 48 heures aux urgences est passé de 40 000 à 50 000 au Québec pour la dernière période (décembre). On est inquiets», dit la directrice générale de l'Association québécoise des établissements de santé et de services sociaux (AQESSS), Lise Denis.
Le président de l'Agence de la santé et des services sociaux de Montréal, David Levine, reconnaît que les urgences sont actuellement très chargées dans la métropole. Il dit qu'il est «conscient de la pression vécue par les employés».
Selon lui, la crise actuelle est en partie due à l'épidémie anticipée de grippe A (H1N1). «On a sorti beaucoup de gens des hôpitaux en prévision de la pandémie. On a rempli à pleine capacité nos lits de longue durée. Maintenant, on a de la misère à sortir nos patients», explique-t-il.
Les interventions électives, qui avaient été suspendues à l'automne, ont aussi repris. «Et il y a actuellement une épidémie de gastroentérite qui complique les choses», dit-il.
M. Levine assure que l'Agence ne se tourne pas les pouces: «Tous les jours, des choses sont faites pour aider à vivre le mieux possible cette situation. Mais la vraie solution passe par le développement des soins de première ligne. C'est en cours.» Selon lui, il devrait s'écouler encore cinq ans avant que des «améliorations sérieuses» ne soient visibles.
«Ça fait des années qu'on est en réforme et qu'on nous dit qu'on va désengorger les urgences» mais que rien ne bouge, proteste Bernard Drainville. Le chef de l'Action démocratique du Québec (ADQ), Gérard Deltell, est du même avis: «Le gouvernement s'est engagé depuis 2003 à régler le problème des urgences. Mais c'est pire sous son administration.»
Mme Denis dénonce elle aussi l'inaction du gouvernement: «L'an passé, il n'y a pas eu un sou pour les soins à domicile. Le ministre Bolduc a visité 11 services des urgences et a dit avoir trouvé des solutions. Mais il n'y a aucun plan d'action. Les gens sont un peu laissés à eux-mêmes.»
La présidente de la Fédération interprofessionnelle de la santé du Québec, Régine Laurent, dresse le même constat: «Les solutions, on les connaît. Mais on ne les applique pas. Le milieu lance aujourd'hui un cri du coeur. On demande que le gouvernement ait le courage politique de mettre ces solutions en application.»
Au bureau du ministre de la Santé, on affirme que M. Bolduc juge la situation «préoccupante». «Il y a plusieurs projets sur la table pour corriger la situation, a dit son attachée de presse. Le projet de rénovation du service des urgences de l'hôpital Maisonneuve-Rosemont sera annoncé dans quelques semaines. On développe la première ligne...» Le ministre n'était «pas disponible», hier, pour donner des entrevues.
Selon Mme Denis, le temps presse: «Avec le vieillissement de la population, la situation va s'aggraver. Ça prend des solutions. Pas juste des plasters à droite et à gauche!»