samedi 26 mars 2011

Essais québécois - Immigration: dégonfler les mythes

Louis Cornellier   19 mars 2011
http://www.ledevoir.com/culture/livres/319108/essais-quebecois-immigration-degonfler-les-mythes

Au Québec, le taux d’activité des immigrants est plus bas que celui des natifs et le taux de chômage, plus élevé.<br />
Photo : Jacques Nadeau - Le Devoir
Au Québec, le taux d’activité des immigrants est plus bas que celui des natifs et le taux de chômage, plus élevé.

À retenir

    Le remède imaginaire Pourquoi l'immigration ne sauvera pas le Québec Benoît Dubreuil et Guillaume Marois Boréal Montréal, 2011, 320 pages
«LE livre de la rentrée 2011», écrit Jean-François Lisée sur son blogue. «Une des contributions au débat public les plus sérieuses, salutaires et décapantes depuis longtemps», renchérit Joseph Facal dans sa chronique du Journal de Montréal. Il est vrai que Le Remède imaginaire. Pourquoi l'immigration ne sauvera pas le Québec, du philosophe Benoît Dubreuil et du démographe Guillaume Marois, est un essai-choc, solidement argumenté, qui ébranle une idée reçue à peu près unanimement partagée.

Ainsi, selon cette idée, une hausse de l'immigration au Québec serait absolument nécessaire pour contrer les effets du vieillissement de la population, pour combler une pénurie de main-d'oeuvre et «pour soulager le fardeau grandissant sur les finances publiques du Québec». À gauche comme à droite, dans les milieux journalistiques et politiques, syndicaux comme patronaux, cette vision des choses fait à peu près consensus. Or, répliquent Dubreuil et Marois, elle ne tient tout simplement pas la route.

Les auteurs sont bien conscients que «l'immigration n'est pas un thème comme les autres» et que quiconque remet en question sa nécessité s'expose à être traité en ennemi de la diversité, surtout si, comme eux, il appartient à la mouvance nationaliste. Aussi, ils tiennent à circonscrire clairement leur propos. «Nous souhaitons éviter à tout prix, écrivent-ils, que l'on nous comprenne mal: il existe des raisons nombreuses et légitimes d'accroître ou de réduire l'immigration qui n'ont rien à voir avec l'économie ou la démographie.» Or, puisque l'argumentaire actuel en faveur d'une hausse de l'immigration repose essentiellement sur ces deux dernières, il importe, selon les auteurs, de faire une analyse objective du phénomène à partir de ces angles.

Depuis 1971, le Québec, au prorata de sa population, accueille moins d'immigrants (30 000, en moyenne) que le Canada ou l'Australie, mais plus que les États-Unis ou la France. Cela, bien sûr, a contribué à l'augmentation de sa population totale (900 000), mais n'a pas modifié significativement sa structure par âge. L'immigration, par exemple, n'a presque pas abaissé l'âge moyen de la population (40 ans au lieu de 41) puisque «le nom-bre d'immigrants reçus et l'écart entre l'âge moyen des Québécois et celui des immigrants ne sont pas suffisamment grands pour que cette influence soit significative». Seule une hausse de la fécondité pourrait renverser la tendance au vieillissement de la population.

L'immigration, pour autant, n'est pas sans conséquence. Elle change la composition de la population: augmentation de la proportion d'immigrants, essor des langues non officielles, augmentation du poids démographique de Montréal par rapport aux régions et, on l'a dit, augmentation de la population totale. On peut penser ce qu'on veut de ces effets, mais on ne peut les nier. Au sujet du dernier, Dubreuil et Marois précisent deux choses: «le niveau de vie des habitants d'un pays n'est pas lié à la taille de sa population» et le maintien du poids politique du Québec au sein du Canada est certes un enjeu important, mais il ne faut pas oublier «que l'immigration, en accroissant le poids relatif du Québec au sein du Canada, vient du même coup réduire le poids relatif du français au Québec». Ce n'est pas en taisant ces enjeux, au nom de la rectitude politique, qu'on respectera la complexité du débat.

L'intégration économique


Après avoir dégonflé le mythe selon lequel il y aurait des centaines de milliers de postes à pourvoir au Québec, Dubreuil et Marois se penchent sur l'impact économique de l'immigration au Québec. Leur thèse est claire: si l'intégration économique des immigrants est bonne, l'impact peut être positif. Or, depuis la fin des années 1970, cette intégration est en panne.

Au Québec, le taux d'activité des immigrants est plus bas que celui des natifs et le taux de chômage, plus élevé. Au Canada, ces indicateurs sont plus favorables aux immigrants, mais les salaires obtenus par ces derniers ne sont pas meilleurs que ceux de leurs homologues québécois. En comparant la situation dans plusieurs pays, Dubreuil et Marois en viennent à la conclusion que, «dans un système où la protection sociale est faible, les gens dont l'intégration au marché du travail est plus problématique sont tout de même obligés de travailler». Le Québec, à cet égard, est dans la même situation que les pays scandinaves, avec pour résultat que les immigrants y reçoivent davantage de transferts fiscaux qu'ils ne paient d'impôts.

Ces difficultés d'intégration sont souvent mises sur le compte d'un corporatif abusif, d'un dédain pour les diplômes étrangers, d'une francisation défaillante et d'une discrimination à l'embauche. Dubreuil et Marois démontrent que ces explications sont simplistes et qu'il «n'existe aucune raison de penser que le capital humain acquis dans un tel contexte culturel et institutionnel doive être transférable à un autre».

Dans des pages détaillées et très informées, les auteurs démontrent aussi que la grille de sélection du Québec en matière d'immigration est une vraie passoire («55 % des candidats sélectionnés atteignent à peine le seuil d'acceptation») pleine de critères arbitraires, que la catégorie des immigrants investisseurs est une invitation à l'arnaque (ce que vous apprendrez dans ce livre à ce sujet est renversant) et que le programme de recrutement des aides familiales résidantes (des domestiques) est «une source de travail à bon marché pour les familles fortunées du Québec» qui contribue à «angliciser Montréal».

Dubreuil et Marois insistent: ils ne sont pas contre l'immigration. Ils constatent toutefois, sur la base des faits, que l'immigration est un remède imaginaire au vieillissement de la population, à la pénurie de main-d'oeuvre et au renflouement des finances publiques. «Économiquement et démographiquement, concluent-ils, le Québec n'a pas besoin d'immigration.» Cela ne signifie pas qu'il a besoin de ne pas en avoir. On peut, par exemple, être favorable à l'immigration pour des raisons morales, sociales et culturelles. Cela veut simplement dire que les mythes débouchent rarement sur de bonnes politiques.

Immigration - Un afflux record bien accueilli par Québec

Le gouvernement s'attend à ce que 15 % des emplois qui seront à pourvoir d'ici 2014 le soient par des immigrants

Robert Dutrisac   3 mars 2011
http://www.ledevoir.com/politique/quebec/317966/immigration-un-afflux-record-bien-accueilli-par-quebec
La ministre de l’Immigration, Kathleen Weil, rappelle que Québec «cherche un capital humain de qualité pour combler nos besoins à court, moyen et long termes [avec des immigrants] qui sont scolarisés, qui sont jeunes, qui parlent français».<br />
Photo : Jacques Nadeau - Le Devoir
La ministre de l’Immigration, Kathleen Weil, rappelle que Québec «cherche un capital humain de qualité pour combler nos besoins à court, moyen et long termes [avec des immigrants] qui sont scolarisés, qui sont jeunes, qui parlent français».
Québec — Appelée à fixer les nouveaux seuils d'immigration pour les années 2011-2013, Kathleen Weil juge de façon «positive» l'afflux record d'immigrants au Québec malgré leurs difficultés sur le marché du travail.
L'an dernier, le Québec a accueilli 54 000 immigrants, un sommet depuis 1971. C'est une hausse «positive», a livré au Devoir la ministre de l'Immigration et des Communautés culturelles. Kathleen Weil cite l'exemple du reste du Canada où encore davantage d'immigrants, toutes proportions gardées, se sont installés, soit 280 000 pour l'ensemble canadien. S'il arrivait autant d'immigrants au Québec que dans le reste du Canada, c'est 68 000 personnes par an qui viendraient grossir la population québécoise.

«C'est une mouvance, a fait valoir Kathleen Weil. On est en Amérique du Nord. C'est ça notre réalité, on n'est pas l'Europe.»

Un grand coup

Dans son plan triennal de 2008, le gouvernement Charest a donné un grand coup en haussant de 43 000 à 55 000 le nombre annuel d'immigrants que planifiait d'accueillir le Québec entre 2008 et 2010. À la suite d'une consultation publique qui aura lieu en commission parlementaire en mai ou en juin, Kathleen Weil devra établir de nouveaux objectifs pour la période 2011-2013. À cet effet, son ministère prépare trois scénarios: un scénario de réduction, un scénario de stabilisation et un scénario de croissance. En 2008, sa prédécesseure, Yolande James, avait opté pour le scénario de croissance. Kathleen Weil ne veut rien dévoiler des seuils d'immigration qui seront à l'étude. Mais il est clair en l'entendant parler que le scénario de réduction est écarté.

«Le Québec a besoin d'immigrants», a soutenu la ministre. Jean Charest en parlait dans son discours inaugural: il faut «faire du Québec un pôle d'attraction mondial pour la main-d'oeuvre qualifiée», a-t-elle rappelé. «On cherche un capital humain de qualité pour combler nos besoins à court, moyen et long termes [avec des immigrants] qui sont scolarisés, qui sont jeunes, qui parlent français.»

«Le Québec n'est pas une société fermée. C'est une société ouverte au pluralisme», a fait valoir la ministre. «C'est toute la société qui est en train de prendre conscience qu'il y a quelque chose à aller chercher dans cette diversité», estime-t-elle, en citant les témoignages du Conseil du patronat du Québec, de la Fédération des chambres de commerce du Québec et du Conference Board.

Le gouvernement s'attend à ce que 15 % des 740 000 emplois qui doivent être comblés d'ici 2014 le soient par des immigrants. (FAUX !! VOIR L'ARTICLE CI-DESSOUS) Le Québec sélectionne une partie de ses immigrants: 15 000 d'entre eux sont choisis pour leurs compétences professionnelles, soit près de 35 000 personnes au total, si on ajoute leurs conjoints et enfants. De ces 15 000 immigrants dits «économiques», la moitié se déniche un emploi dans les trois mois suivant son arrivée (ÉNORME MENSONGE, CONSULTEZ SUR CE BLOG SECTION "LES IMMIGRANTS" LES ARTICLES DU 13, 22 ET 23 OCTOBRE 2010) et 90 % travaillent après cinq ans, a signalé Mme Weil.

Des difficultés

Certaines études montrent que nombre d'immigrants au Québec, particulièrement ceux qui proviennent d'Afrique du Nord, éprouvent des difficultés à intégrer le marché du travail. Le taux de chômage a reculé de 1,2 % en 2010, une première depuis quelques années, a signalé la ministre. Il se situe tout de même à 12,5 %, contre 7,9 % pour l'ensemble de la population.

L'immigration contribue au «dynamisme démographique», (ENCORE FAUX !! VOIR L'ARTICLE CI-DESSOUS)selon l'expression employée par Mme Weil, d'abord en augmentant la taille de la population, cela va de soi, et en haussant le nombre de personnes en âge de travailler. La ministre reconnaît toutefois que l'effet de l'immigration sur la pyramide d'âges de la population est marginal.

Dans leur livre Le Remède imaginaire. Pourquoi l'immigration ne sauvera pas le Québec, Benoît Dubreuil et Guillaume Marois soutiennent qu'un niveau élevé d'immigration ne contribue pas à la croissance du produit intérieur brut par habitant au Québec et qu'il a «un effet modestement négatif sur les finances publiques». Au cabinet de la ministre, on a indiqué que le gouvernement ne pouvait s'appuyer sur aucune étude traitant de ces questions.

De son côté, le vérificateur général du Québec constatait, dans son rapport 2010-2011, que le ministère, qui n'utilise pas d'indicateurs socioéconomiques pour bien cerner la capacité réelle du Québec à intégrer en emploi les nouveaux arrivants, ne peut s'assurer que la société peut soutenir les hausses progressives des volumes d'immigration.

Le miracle de l'immigration n'aura pas lieu


Les chercheurs Benoît Dubreuil et Guillaume Marois remettent en doute l'impact des nouveaux arrivants sur l'économie du Québec

Robert Dutrisac   26 février 2011
http://www.ledevoir.com/societe/actualites-en-societe/317698/le-miracle-de-l-immigration-n-aura-pas-lieu
En avril, des immigrants montréalais manifestaient contre l’abolition de classes de francisation. Selon le livre Le Remède imaginaire, écrit par deux chercheurs Québécois, sur le strict plan économique, le Québec n’a pas besoin de plus de nouveaux arrivants.<br />
Photo : Jacques Nadeau - Le Devoir
En avril, des immigrants montréalais manifestaient contre l’abolition de classes de francisation. Selon le livre Le Remède imaginaire, écrit par deux chercheurs Québécois, sur le strict plan économique, le Québec n’a pas besoin de plus de nouveaux arrivants.
Québec — Une idée fait consensus au Québec: l'immigration peut atténuer les effets du vieillissement de la population sur les finances publiques. Or cette proposition, qu'aucun politicien ou éditorialiste au Québec ne conteste, est une idée fausse, vigoureusement démentie par les travaux des scientifiques. L'idée que l'arrivée d'immigrants peut résorber les pénuries de main-d'œuvre est tout aussi bancale. Sur le strict plan économique, le Québec n'a pas besoin de plus d'immigrants.

C'est la thèse iconoclaste que défendent Benoît Dubreuil, chercheur postdoctoral en philosophie de l'UQAM, et Guillaume Marois, démographe doctorant à l'Institut national de recherche scientifique (INRS), dans un ouvrage qui paraîtra mardi et intitulé Le Remède imaginaire - Pourquoi l'immigration ne sauvera pas le Québec.

À l'automne 2007, Benoît Dubreuil fut frappé par la consultation publique sur la politique d'immigration du Québec menée par la ministre l'Immigration et des Communautés culturelles, Yolande James. «Il y avait un décalage entre ce que les gens disaient et ce que nous, on lisait dans la littérature», raconte-t-il. Deux points communs ressortaient des 70 mémoires reçus: d'une part, le Québec devait investir fortement dans l'intégration des immigrants et, d'autre part — c'est le lieu commun qui l'intéressait —, le Québec vieillit et il a besoin d'un grand nombre d'immigrants pour faire face aux pénuries de main-d'oeuvre. C'est à la suite de cette consultation que le gouvernement Charest haussa de 43 000 à 55 000 par an le seuil d'admission des immigrants pour 2008-2010.

Il est vrai que les nouveaux arrivants peuvent rajeunir la population puisque leur âge moyen est inférieur à la moyenne. Mais l'effet est marginal, calculent les démographes. En passant de 43 000 à 60 000 immigrants, par exemple, selon les calculs des démographes du ministère en 2008, on ne retrancherait en 2030 que deux personnes âgées par 100 habitants (44 plutôt que 46 par 100), un effet négligeable.

En 2008, Jean Charest répétait que d'ici 2011, c'est 700 000 emplois au Québec qui devront être comblés en raison des départs à la retraite des baby-boomers, rappellent les auteurs. Or, penser que les immigrants vont occuper ces postes est simpliste, soulignent les auteurs. Le problème, c'est que le marché du travail est complexe; rien n'indique qu'un départ à la retraite va mener à de nouvelles embauches. Impossible de savoir combien de ces 700 000 emplois ont été comblés par des immigrants.

La réalité, c'est que l'écart entre les taux de chômage qui touchent les immigrants et les natifs s'est élargi depuis les années 1980. À cet égard, le Québec fait moins bien que le reste du Canada. Même chose pour les salaires. Et la situation s'est dégradée depuis 30 ans. En 2005, les immigrants récents avaient un revenu inférieur de 20 % à celui des immigrants récents en 1980. De plus, les immigrants au Québec paient en moyenne 61 % des impôts payés par les natifs.

Un effet nul sur le PIB


L'immigration fait accroître la population, cela va de soi, et, conséquemment, le produit intérieur brut (PIB). Mais les études convergent: l'effet de l'immigration est nul sur la croissance du PIB par habitant, celui qui compte, signalent les auteurs. Tout porte à croire que sur le plan des finances publiques, l'immigration a un «effet modestement négatif», avance Benoît Dubreuil.

Dans les démocraties libérales, l'immigration est un phénomène normal, mais «l'augmentation de l'immigration ne saurait être une finalité en soi», écrivent-ils.

«Il faut s'attendre au Québec d'avoir des populations assez nombreuses qui, de manière durable, vont avoir des difficultés d'intégration en emploi», croit Benoît Dubreuil. Et accueillir au Québec plus de 50 000 immigrants en période de récession peut engendrer bien des désillusions. «Ils vont en porter les stigmates pendant plusieurs années. Les inégalités, les insuccès, c'est quelque chose qui nourrit la rancoeur. Évidemment, ça peut nuire à la cohésion sociale», prévient le philosophe.

Pourquoi cette idée que l'immigration pourrait sauver le Québec s'est-elle imposée? «Le premier facteur, c'est que l'idée à la base est quand même séduisante et intuitive: les immigrants sont plus jeunes, donc ils vont faire rajeunir la population si on en a beaucoup. En plus de ça, c'est que le Québec a toujours été un pays d'immigration.»

Il y a aussi une question de «rectitude politique», croit-il. «Les chercheurs n'ont pas tendance à intervenir dans le débat. C'est un sujet sensible».

C'est sans doute cette rectitude politique qui a entraîné «l'adhésion du Parti québécois au mythe de l'immigration miracle», soulignent les auteurs. Pour le Parti libéral, la perspective est tout autre. «Malgré la francisation relative de l'immigration, l'appui au Parti libéral du Québec demeure proportionnellement plus fort chez les immigrants que chez les natifs. Le gouvernement a donc un intérêt objectif à faire diminuer la part relative des natifs dans la population», jugent Benoît Dubreuil et Guillaume Marois