vendredi 30 avril 2010

le français au Québec en régression...

Bernard Landry s’inquiète de la situation du français à Montréal


Bernard Landry a donné une conférence à des étudiants de l'ESG, samedi.
Photo : Joël Lemay
Sans vouloir les qualifier d’alarmistes, les récents résultats sur la situation du français à Montréal que le député Pierre Curzi a rendus publics mercredi sont tout de même considérés comme « inquiétants » par l’ancien premier ministre Bernard Landry. Rencontré par 24H samedi, alors qu’il était invité comme conférencier par les étudiants de l’École des sciences de la gestion (ESG) de l’UQÀM, il a affirmé que l’étude mettait en lumière ce que lui-même observe déjà dans la métropole, soit une trop grande présence de l’anglais.
« Ce n’est pas surprenant. On le voit déjà à Montréal. Ça me confirme qu’il ne faut prendre aucun risque et le principal risque est de faire partie du Canada, ce pays dit bilingue », déclare-t-il en ajoutant que l’étude démontre « l’urgence » que le Québec devienne indépendant.
L’étude en question faisait entre autres état de la possibilité que les francophones soient minoritaires à Montréal dans à peine six ans.
À son avis, puisque les immigrants du Québec se savent dans un pays bilingue, ils préfèrent « rejoindre la majorité du Canada : les anglophones, plutôt que la minorité francophone ».
En marge d’une dictée que quelque 80 étudiants de l’ESG ont effectuée avant sa conférence, M. Landry a affirmé que la qualité de la langue et l’attachement des citoyens à cette dernière jouent un rôle important dans sa présence à Montréal.
« Si on l’aime et si on la veut belle, c’est plus facile de la transmettre », souligne-t-il.
Dictée réussie
Les étudiants ont d’ailleurs tenté de prouver qu’ils l’aimaient suffisamment pour la maîtriser, samedi, alors que se tenait la première édition de la Dictée ESG.
Cet exercice se voulait une réponse à une récente sortie publique du professeur au département de marketing, Pierre Filiatrault, dans laquelle il déplorait que les étudiants en gestion « ne savent ni lire ni écrire ».
« Même s’il n’a pas complètement tort, il ne faut pas généraliser », indique celle qui est à l’origine de l’idée de la dictée, Audrey Jacques, une diplômée au Baccalauréat en comptabilité.
Cette dernière croit que si certains ne maîtrisent pas le français, c’est que dans le monde des affaires où l’anglais est omniprésent, « on na valorise pas assez la langue française écrite ».
Au moment de mettre en ligne, les trois meilleurs résultats, les seuls que les organisateurs rendaient publics samedi, n’étaient pas encore disponibles. Les correcteurs affirmaient toutefois être « agréablement surpris » par le peu de fautes que contenaient les dictées.
stephanie.saucier@24-heures.ca

Lettres - Une immigrante qui veut s'intégrer en français

http://www.ledevoir.com
Roxana Rivera Valle - Montréal, le 13 avril 2010
 
Je me sens très triste et déçue. L'annonce, jeudi dernier, des coupes dans les cours de français a été très choquante pour moi et je ne pouvais pas pleurer devant de mes collègues, mais ils ont commencé à pleurer parce que tout le monde a eu un plan pour ces mois. Cette nouvelle de dernière minute a brisé nos coeurs, en plus de tout ce que j'ai fait pour étudier le français afin d'améliorer ma vie!

À mon avis, le ministère a un double discours: il nous dit qu'on doit parler français, mais en même temps, il nous coupe le cours de francisation. Je ne comprends pas pourquoi! Quand je suis arrivée chez moi, je me sentais déprimée. Tout à coup j'ai senti quelques larmes sur mon visage et j'ai pleuré d'impuissance et de colère.

Je m'appelle Roxana et je suis immigrante péruvienne et enseignante au niveau secondaire. Je suis arrivée à Montréal le 12 septembre 2009 après avoir réussi tous les tests que le gouvernement du Québec et l'ambassade du Canada m'ont demandés pendant trois longues années. Je suis arrivée pleine d'espoir de progresser dans cette belle nation ainsi que de contribuer avec mon expérience d'enseignante dans une école secondaire d'ici.

Je savais depuis de mon arrivée qu'il fallait que je suive le cours de français de niveau avancé que le ministère de l'Immigration offre à tous les nouveaux arrivants afin de nous intégrer à la société québécoise et au marché du travail mais, aujourd'hui, je me demande: si j'ai moi-même respecté tout ce que m'ont demandé les autorités avant de venir ici, pourquoi à la dernière minute, on m'informe que les cours sont coupés? Cette nouvelle a brisé mes rêves et les plans que j'avais déjà faits pour les mois suivants, et ceux, je crois, de plusieurs de mes collèges. À mon avis, ce n'est pas juste. Cette décision est difficile pour moi comme professionnelle immigrante qui veut s'intégrer à la société québécoise quand le français est l'outil de travail et surtout quand il est d'une exigence pour obtenir le permis d'enseignement.

J'espère que la ministre de l'Immigration va réfléchir et changer d'opinion et reconsidérer sa décision.

Francisation des immigrants - Québec coupe encore

Robert Dutrisac   22 avril 2010
http://www.ledevoir.com 
Québec — Après la fermeture de 30 classes de francisation décrétée par le ministère de l'Immigration et des Communautés culturelles (MICC), c'est au tour d'Emploi-Québec d'abolir des classes de français destinées aux immigrants en raison de compressions budgétaires.

Libre opinion - Franciser les nouveaux arrivants est un investissement

http://www.ledevoir.com
André Jacob - Coordonnateur de l'Observatoire international sur le racisme et les discriminations de l'UQAM  27 avril 2010
 
Lors du dépôt du dernier budget, le gouvernement Charest a supprimé 31 cours d'apprentissage du français permettant à de nouveaux immigrants de perfectionner leur maîtrise de la langue.

Ce coup de ciseaux est presque passé inaperçu. Présumant peut-être que les nouveaux citoyens n'allaient pas protester, on a fait disparaître aussi le Conseil des relations interculturelles, et notre organisme a aussi vu sa maigre subvention réduite radicalement de 100 % (17 000 $).

Aujourd'hui, on découvre des compressions supplémentaires (600 000 $) dans le Fonds de développement du marché du travail. Les timides réactions à ces nouvelles positions gouvernementales ne permettent pas de faire voir la vraie nature du problème: de brefs commentaires dans les médias, quelques centaines de personnes à une marche de protestation, une modeste pétition circule sur Internet, sans plus.

Comment se dessine le fond de scène? Le gouvernement du Québec sait très bien que l'intégration au marché du travail s'avère passablement plus difficile pour les travailleurs immigrants que pour la population en général, ce qu'admet d'emblée un rapport publié par le ministère de l'Immigration et des Communautés culturelles paru en novembre 2009 (Les Immigrants et le marché du travail en 2008). En 2008, le taux de chômage était de 17,4 % chez les immigrants qui comptaient moins de cinq ans de résidence, et je cite pour ajouter au sens de ces données: «C'est au Québec que les écarts entre les immigrants et la population totale et la population native sont les plus élevés. [...] La connaissance du français, la reconnaissance des acquis et la discrimination pourraient constituer des éléments d'explication supplémentaires, puisque les démarches nécessaires à l'apprentissage du français et à la reconnaissance des acquis, notamment, tendent à retarder l'entrée sur le marché du travail ou la capacité à trouver un emploi.» (p. 4-5). Tout cela alors que plusieurs institutions et entreprises privées cherchent du personnel qualifié.


Pour le gouvernement du Québec, «franciser les immigrants» rapidement devrait être davantage un investissement stratégique important qu'une dépense; la formation des immigrants n'ayant rien coûté à l'État, ce dernier doit les outiller à participer à la vie sociale, économique et culturelle rapidement, car ces gens deviendront des contributeurs au développement socio-économique par leur expertise, leur capacité de consommation, d'investissement et le paiement des impôts et des taxes.

Sur le plan de la dynamique de la vie en société, et dans une vision plus globale, qu'impliquent ces compressions? En premier lieu, il s'agit d'une forme de discrimination systémique dans le sens défini par la Cour suprême du Canada comme «une situation d'inégalité cumulative et dynamique résultant de l'interaction, sur le marché du travail, de pratiques, de décisions ou de comportements, individuels ou institutionnels, ayant des effets préjudiciables, voulus ou non, sur les membres de groupes visés par l'article 15 de la Charte» (jugement ATF c C.N.).

Les compressions dans ce programme de francisation représentent une forme subtile, sournoise, mais non moins tenace et réelle de discrimination. En termes simples, ce geste du gouvernement empêche les nouveaux arrivants d'accéder rapidement à un emploi et se trouve ainsi à brimer leur droit à l'égalité des chances. En somme, il s'agit d'une différence de traitement par rapport à d'autres groupes de la société, ce qui correspond justement au sens de ce que signifie la discrimination. [...]

En supprimant les cours de perfectionnement du français aux immigrants, on fait reposer l'entière responsabilité sur leurs épaules. D'ailleurs, la ministre de l'Immigration, madame Yolande James, riposte en ce sens en déclarant que les immigrants peuvent avoir accès au français en suivant des programmes sur internet... Étonnant! Une telle façon de faire reste insuffisante, d'autant plus qu'aucun employeur n'est tenu de soutenir un travailleur dans l'amélioration de son français. Le gouvernement devrait réviser sa position et rétablir l'accès à ses cours.

***

André Jacob - Coordonnateur de l'Observatoire international sur le racisme et les discriminations de l'UQAM