mardi 13 juillet 2010

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Le meilleur des mondes

13/07/2010

Djemila Benhabib
http://www.24hmontreal.canoe.ca/24hmontreal/artsetspectacles/archives/2010/07/20100712-164732.html

Lorsqu’un jour vient le moment de partir pour le Québec, on s’en va en laissant une partie de soi dans le giron d’une vie qui s’effiloche alors qu’une autre commence à peine à éclore. Revenir très bientôt vers les siens est la principale promesse que l’immigrant balbutie en larguant les amarres. Cependant, une réalité qu’il avait à peine imaginée l’attend. Celle de reconstruire son nid. Et entre-temps, quelques mois, voire quelques années s’écoulent. Beaucoup d’eau coulent sous les ponts…

Arrivés au Québec, il y a près de quinze ans, Michel et Rita sont retournés dans leur pays d’origine, le Liban, pour la première fois cet été avec leurs trois enfants, tous nés au Canada et parfaitement trilingues. Pour ce père de famille qui multiplie les boulots dans la restauration et son épouse qui gère une garderie en milieu familial, il a fallu faire sacrifices après sacrifices pour voir enfin la promesse du retour se concrétiser. Et puis, comment se convaincre d’arrêter dans une société qui ne s’arrête pratiquement jamais de travailler? Comment planifier des vacances en l’absence de congés payés ou si peu? Tout cela Michel et Rita le savent fort bien. Qu’importe, cette année, ils ont mis le cap sur Beyrouth main dans la main.

« Il y a des années que nous planifions ce voyage, me disait la maman quelques jours avant le départ. Il faut bien que je présente mes enfants à ma famille. Mes parents les connaissent seulement à travers les photos et le téléphone. Nous ne pouvons plus attendre, ils se font vieux. » Hormis le coût des billets d’avion de près de 6 500 $, il y a également celui associé aux cadeaux qui n’est certainement pas négligeable contenu la taille des familles au Liban. Oublier un cousin serait un affront impardonnable. Et puis, Rita n’y songe même pas. Emportée par le voyage, elle aurait pu emmener un centre d’achat au complet pour faire plaisir aux marmots qui attendent la venue de la mère Noël en plein été. N’empêche que tout au long de l’année, elle a consacré de nombreux jours à flairer les bonnes affaires pour faire des heureux. D’ailleurs, que ne ferait-elle pas pour retrouver cette ambiance familiale qui lui manque cruellement et dont elle nourrit ses enfants en leur racontant des histoires de là-bas?

Là-bas, son pays de cœur, qu’elle n’échangera pour rien au monde. Au fil des années, il est devenu de plus en plus clair dans sa tête que le Québec, c’est son pays de raison, là où ses enfants ont un avenir. Cette philosophie de vie est partagée par de nombreux immigrants qui sont prêts à tout pour offrir à leurs enfants le meilleur des mondes.