lundi 28 juin 2010

Parcours de réfugiés...Terre d'asile à Zone doc - Radio-Canada, vendredi 2 juillet à 21h.

Télévision à la une - Après l'incertitude, l'attente...

Lisa-Marie Gervais
http://www.ledevoir.com/culture/television/291539/television-a-la-une-apres-l-incertitude-l-attente
26 juin 2010


Tout quitter est, en soi, l'une des expériences les plus déchirantes. Pour un réfugié qui fuit la violence, la torture, la guerre, fouler une terre d'accueil est synonyme d'espoir. Pourtant, bien des obstacles attendent encore ces demandeurs d'asile, qui ne savent souvent pas qu'en touchant la terre promise, ils s'engagent dans un véritable parcours du combattant.

Au Canada, pays réputé pour accueillir un grand nombre de demandeurs d'asile, leur long chemin vers une vie nouvelle n'en est pas plus aisé. Dans le documentaire Terre d'asile, Najia l'Afghane, Leyla la Congolaise, Esly l'Hondurienne et Fouad le Palestinien racontent l'attente, l'espoir déçu, l'angoisse de l'inconnu. Ces quatre demandeurs du statut de réfugié (cinq dans la version longue) racontent aussi des bribes de leur vie d'avant et leur désir profond de ne plus jamais la revoir.

Les scènes filmées dans les bureaux des avocats en immigration, les salles d'attente au tapis gris du complexe Guy-Favreau, où ont lieu les audiences, mais aussi dans les appartements exigus des protagonistes confèrent une sobriété, à première vue ennuyeuse, au documentaire. Or cette monotonie des images sert justement bien le propos en exprimant toute la solitude et le vide qui étreignent les personnages.

Roulette russe

Il faut parfois des mois, voire des années, avant d'avoir une audience devant la Commission de l'immigration et du statut de réfugié (CISR) et de recevoir une réponse. Cette requête cruciale à l'issue incertaine est même comparée au jeu de la roulette russe par l'une des avocates interrogées. Fouad, le Palestinien, y a goûté. Son frère et lui ont demandé l'asile au Canada parce qu'ils ont été forcés de militer pour le Fatah. Or, si son frère a vu sa demande acceptée, la sienne a été rejetée même si elle est identique en tous points.

Il y a deux écoles de pensée qui divisent les commissaires, nous expliquera son avocate.

Ceux qui pensent que les Palestiniens du Liban sont des réfugiés politiques et d'autres qui pensent qu'ils sont des réfugiés économiques. Fouad a eu moins de chance que son frère et, après sept ans au Canada, était toujours en train d'attendre qu'on statue sur son sort (on sait maintenant qu'il a été reçu).

La très jeune Esly, du Honduras, a dû attendre plus de deux ans avant d'avoir une réponse positive. Victime de viol, elle a vu son copain se faire tuer sous ses yeux en plus d'être menacée par des gangs de rue mêlés au trafic de drogue. Complètement traumatisée, elle est arrivée avec son jeune fils, ne souhaitant qu'une chose: lui donner un meilleur avenir.


Identité remise en cause

La Congolaise Leyla a une histoire semblable. Elle est arrivée en Ontario avec sa petite fille, fuyant les violences sexuelles qui sévissent au Nord-Kivu. On a essayé de la faire bénéficier d'un parcours accéléré (fast track) mais, lors de son audience, le commissaire a remis en cause son identité, qu'elle ne pouvait pas prouver avec des documents probants. Nerveuse, apeurée, elle n'a pas su répondre aux questions de façon satisfaisante, a constaté le juge.

Ancienne journaliste, militante féministe et travailleuse pour l'ONU, Najia l'Afghane est
beaucoup plus habile en communication. Elle a pu bénéficier d'un processus accéléré qui a malgré tout duré neuf mois. Même si sa requête a été acceptée, elle ne peut s'empêcher de penser aux siens, dont elle a été forcée de se séparer. «Ici, personne ne sait qui tu es, d'où tu viens. [...] Quand tu quittes ton chez-toi, tu te sens perdue», a-t-elle confié.

À la manière d'un thriller psychologique, la cinéaste, Karen Cho, parvient à tisser une trame de suspense avec le fil des drames que vivent les quatre protagonistes. De la bouche d'anciens commissaires de la Commission de l'immigration et du statut de réfugié et d'avocats, on découvre les méandres de ce difficile parcours et les failles du système. «Depuis dix ans, c'est davantage devenu un tribunal de police de l'immigration qu'un tribunal des droits humains», critiquera sévèrement l'un des avocats.

Implantée il y a environ cinq ans, une politique oblige les commissaires à utiliser la méthode de l'interrogatoire dans l'ordre inverse, qui consiste, déplore un avocat, à «chercher le mensonge plutôt que la vérité». L'autre faille majeure est qu'il n'existe pas de réelle possibilité d'appel pour les demandeurs qui se voient refuser le statut de réfugié. Les histoires des quatre protagonistes échappent à cette fin tragique. Et au final, ils ont fait partie des quelque 12 000 demandeurs d'asile, sur les 30 000 qui déposent une requête chaque année, qui pourront enfin... tout recommencer à zéro.

Terre d'asile à Zone doc - Radio-Canada, vendredi 2 juillet à 21h.