vendredi 26 novembre 2010

les médecins immigrants victimes de discriminations..."Québec inside" vous montre une fois de plus le vrai visage du Québec !!

Le Québec discrimine les médecins étrangers

Les universités, le ministre de la Santé et le Collège des médecins blâmés

Micheline Lachance   17 novembre 2010
-http://www.ledevoir.com/societe/sante/311158/le-quebec-discrimine-les-medecins-etrangers
 
La Commission des droits de la personne et des droits de la jeunesse a beau mettre des gants blancs, les conclusions de son enquête sont troublantes: au Québec, les médecins diplômés à l'étranger sont victimes de discrimination. Avec pour résultat que des candidats dont la compétence a été reconnue par le Collège des médecins du Québec sont recalés à l'étape ultime d'un véritable parcours du combattant.

L'enquête a débuté il y a trois ans devant le refus des facultés de médecine d'offrir les postes de résidence laissés vacants en milieu hospitalier à des médecins ayant fait leurs études ailleurs qu'au Canada et aux États-Unis. En 2007, 87 postes de résidence n'avaient pas été pourvus au Québec. Or, cette année-là, 173 médecins étaient restés sur le carreau.

Trois ans après, alors que Québec se vante d'avoir mis en place des mesures pour corriger la situation, les portes sont toujours aussi difficiles à défoncer. En effet, en 2010, les quatre universités québécoises (Laval, Montréal, McGill et Sherbrooke) affichent 82 postes à pourvoir, alors que les médecins étrangers en attente d'une place sont plus de 200.

Pour l'Homo sapiens québécois, il y a là un paradoxe: d'un côté, on déplore une pénurie de médecins — deux millions de personnes n'ont pas de médecin de famille, les corridors des urgences regorgent de malades qui attendent d'être examinés et les délais pour être opérés ne cessent de s'allonger; de l'autre, il y a des médecins formés à l'étranger qui ne demandent qu'à travailler. Pourtant, à l'issue d'une course à obstacles à n'en plus finir, ils ne sont même pas assurés de pouvoir mettre le pied dans un hôpital, si l'on en croit la Commission.

Les facultés de médecine s'inscrivent en faux contre ces conclusions. «Il n'est pas dans notre intérêt de laisser des places en résidence inoccupées, dit le Dr Rénald Bergeron, président de la Conférence des doyens des facultés de médecine du Québec. Rappelons que les résidents soignent des patients au quotidien. C'est donc un devoir et une responsabilité des facultés d'assurer leur sécurité.»

Le Dr Charles Bernard, président-directeur général du Collège des médecins, l'organisme qui accorde les diplômes d'équivalence aux candidats, proteste. «Ces gens-là sont qualifiés. Mais nous n'avons pas d'autorité sur les universités, qui relèvent du ministère de l'Éducation. On peut faire pression sur elles, on peut leur répéter que les candidats qu'on a accrédités sont corrects. Toutefois, c'est leur juridiction et nous ne pouvons nous interposer.»

Deux poids, deux mesures

Sur quelles bases les médecins étrangers sont-ils écartés? Selon la Commission, les facultés leur reprochent de ne pas avoir pratiqué la médecine depuis très longtemps (en moyenne quatre ans). Or ce critère, qui s'applique à tous les diplômés, ne pénalise que les candidats venus d'ailleurs. «On ne tient pas compte du long processus d'immigration», déplore Gaétan Cousineau, président de la Commission. Apparemment, leur piètre connaissance de la pratique médicale au Québec joue également contre eux.

De plus, la Commission a relevé des différences flagrantes entre les questions posées aux uns et aux autres par les évaluateurs lors des entrevues. Certaines traduiraient une perception négative à l'endroit du médecin étranger. Peut-on y voir du racisme? «Tout à fait, dit le président. Dès que vous utilisez des standards différents, vous vous exposez à une discrimination systémique.»

Le coût de cette discrimination est élevé. Comme le souligne le Dr Comlan Amouzou, porte-parole de la Coalition des associations de médecins diplômés à l'étranger, «on ne peut pas se permettre d'écarter des professionnels, surtout pas en temps de pénurie et alors que des patients meurent dans les urgences faute de médecins». C'est d'autant plus inacceptable que la politique d'immigration sélective du Québec leur fait miroiter une place au soleil.

Selon la Commission, les universités doivent impérativement cesser d'avoir deux poids, deux mesures, de manière à leur assurer un accès réel à la résidence. Elle presse aussi le ministère d'exiger des universités qu'elles pourvoient les postes vacants. Enfin, elle somme le Collège de voir à ce que ses équivalences soient pleinement reconnues. «Ce qui me frappe, dit Gaétan Cousineau, c'est le peu d'importance accordé par les facultés à l'examen du Collège.»

Cette enquête, la première au Canada, pourrait avoir des répercussions importantes pour les autres professions réglementées, comme le souligne Fo Niemi, directeur exécutif du Centre de recherche-action sur les relations raciales. Elle ouvre la porte à des poursuites judiciaires, puisqu'elle démontre que, même si cette discrimination n'est pas intentionnelle, les normes et les critères de sélection retenus ont des effets d'exclusion pour les médecins formés à l'étranger. «Je crois que c'est un pas révolutionnaire dans le domaine des droits de la personne au Québec», dit-il.

Tout n'est pas réglé pour autant. Zara Bouchouareb peut en témoigner. Formée en Algérie, la médecin, qui a dû s'y prendre à deux fois avant d'obtenir une place en résidence, a rapidement déchanté. «À l'hôpital, à compétence égale, le médecin étranger passe toujours en second, dit-elle. Notre expérience joue contre nous. Il faut s'effacer jusqu'à en perdre tous nos moyensEt si c'était à recommencer? «Je ne le referais pas. C'est trop compliqué, trop long, trop décourageant